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Buchet Chastel, Michel Vittoz, L'institut Giuliani, La conversation des Morts

POLITIS 10 JANVIER 2002

Buchet Chastel, Michel Vittoz, L'institut Giuliani, La conversation des Morts

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Comédie humaine

LITTÉRATURE Michel Vittoz signe : « l’Institut
Giuliani» Quelques décennies dans la vie des
pensionnaires d’une maison de repos.


CHRONIC'ART

LA PAGE DES LIBRAIRES

L'ÉDITEUR  ANNONCE  LE  PREMIER VOLET
d'une série composée de sept volumes, sous le titre général de la Conversation des morts. Le projet est assez rare pour être souligné. Ambitieux, dans le bon
sens du terme. Casse gueule aussi.
S'agit donc pour l'auteur, Michel Vit-
toz, de ne pas se manquer, et de ne
pas manquer le premier. Entre gageure
et ténacité. L'institut Giuliani, premier volume (et deuxième roman de l'au-
teur) est une réussite. Ça pourrait être
la nef des fous, une tour de Babel, ou
le triomphe de la mort (du reste il est
des moments qui relèvent de la féerie
et du grotesque de Bruegel, de ses confins  du  désastre aux  hilares
tronches). Ça l'est parfois, dans un
récit qui fait la part belle aux situa-
tions, aux portraits.
Parce que L'Institut Giuliani est d'a-
bord une galerie de portraits en situation.
Qu'on en juge : un frêle vieillard jardi-
nier, empêtré dans des kyrielles de souvenirs, passionné par le monde imaginaire des nombres, une cuisinière «au corps aussi solide qu'abondant», une jeune femme qui s'enflamme faci-
lement, tringlée furieusement contre une branlante cheminée, un ingénieur
de la ligne Maginot, un gosse qui se fait appeler Gros Djoé pour mieux res-
sembler à un gangster de Chicago (sans rien d'autre «qui le distinguât de son
âge»)
, un tuberculeux osseux, d'un 
naturel consterné, réfugié dans le som-
meil, et un professeur retranché dans
un grenier, fondateur d'un institut qui
porte son nom... Des gais drilles, des obsessionnels, de vrais branques et
faux caves, des femmes fatales, des
êtres qui vont viennent accostent, déni-
cheurs dans un pays de cocagne.
Tels sont quelques-uns des personnages
de cet Institut Giuliani, tout près de
Vittel, maison de repos et de retraite
pour patients en sursis, pension d'accueil
où l'on écarte toujours un peu plus loin
la mort. On a beau être incurable, on
n'en est pas moins vivant. Les uns pas-
sent, d' autres demeurent, parfois meu-
rent dans cette bâtisse, refuge du monde
de comédies en tragédies, épicentre de
destins qui se croisent.
Commencé dans l'Italie début de siècle
puis mussolinienne, poursuivi dans
les années 30 jusqu'au premiers jours
de la seconde guerre mondiale l'Ins-
titut Giuliani
  est  un récit à  plusieurs
voix, conté quelques décennies après
la fermeture des lieux. Michel Vittoz
joue avec les temps, entre passé et pré-
sent, s'avance, revient en arrière selon
ses personnages, narrateurs, témoins, pensionnaires, tout à tour. Mais Vittoz (dramaturge avec un sens de la dra-
maturgie) a la générosité de jouer aussi
avec son lecteur, qui cherche, se perd,
se retrouve (heureusement, mais non
sans mal) dans cette toile d'araignée lit-
téraire, puisant dans les accrocs de l'histoire, orchestré à la manière d'un architecte. Un architecte de cathédrale
de travées en recoins, d'une tour de Babel dans laquelle viennent se bous-
culer les individus, au gré des hasards
des amours, des résurrections. L'Ins-
titut Giuliani ou le monde comme il
va... des soubresauts de l'histoire aux
secousses sexuelles et joyeuses bac-
chanales. Non pas une fresque, mais un
 roman dense, pur jus, bruegelien.
La vie est une comédie semble dire
Michel Vittoz. Ou plutôt une tragi-
comédie. Alors allons-y, comme on
peut, et dans la mesure du possible,
avec légèreté et humour.

JEAN CLAUDE RENARD

L'institut Giuliani, « la conversation des
morts », Michel Vittoz, Buchet / Chastel
382 p, 19 euros (124F)